Interview de Nicolas de Germay publié dans capital finance | 27 mai 2013

« Le retournement se fait autant par la réduction de coûts que par la croissance de la top-line »

Nicolas de Germay, managing partner du holding d’investissement Alandia, livre son analyse sur le marché de la restructuration. Collaboration avec les groupes industriels et recherche de relais de croissance sont au cœur de sa stratégie.

C.F. : Vous estimez que le modèle historique du retournement a changé. En quels termes ?
N. de G. : Le modèle traditionnel qui consiste à acheter une entreprise au point bas du cycle et à attendre le rebond pour la revendre ne fonctionne plus. Car, contrairement à ce qui a pu être envisagé, nous ne sommes pas dans une crise économique en « V », mais dans une crise en forme de « L » aplati.

C.F. : Cette conjoncture explique-t-elle que les restructurations de 2008-2010 n’ont pas toutes nécessairement bien « tenu »?
N. de G. : Au cours des négociations qui ont eu lieu à cette période, les forces en présence n’ont pas failli : certains actionnaires ont réinjecté de la new money, les créanciers ont consenti des abandons parfois importants. Mais elles ont souvent fait le pari d’une reprise économique à l’horizon 2012-2013. Or, les difficultés des entreprises n’étaient déjà pas seulement d’ordre financier, à l’époque, mais aussi de nature opérationnelle. Nous sommes au cœur de la problématique liée à la compétitivité. Parmi les dossiers qui nous parviennent aujourd’hui, certains concernent des sociétés de taille importante intervenant dans des secteurs qui avaient auparavant résisté. Une chose est sûre : le nombre d’entreprises qui sont  définitivement condamnées, en dépit des efforts déployés, est en augmentation.

C.F. : Accompagner le retournement de telles sociétés ne doit donc pas demander de mise de fonds trop importante !
N. de G. : Il ne faut pas se focaliser sur le prix payé à l’entrée, qui reflète le passé. Et le passé n’intéresse pas l’investisseur en retournement que je suis. Il faut raisonner sur l’avenir, et donc prendre la mesure des injections de cash, parfois très significatives, auxquelles les professionnels du retournement procèdent pour financer les capex, le BFR, etc. La recherche de la croissance par le design des produits et la conquête de contrats à l’export font partie intégrante de la stratégie du rebond.
Le retournement d’une entreprise se fait autant par la réduction de coûts que par la croissance de la top-line. Or, les sociétés qui sont capital-intensives trouvent difficilement preneur, dans le climat actuel. Malheureusement, sans capex, il n’y a pas d’avenir à moyen-long terme pour une entreprise.

C.F. : Les industriels ne sont-ils pas les mieux placés pour appuyer de telles stratégies ?
N. de G. : C’est une certitude, mais ils sont réticents à reprendre une entreprise en difficulté. Primo, ils ont une mauvaise image du monde de la restructuration. Secundo, ils sont réfrénés par le risque social. Tertio, ils ont peur du risque d’image qui est lié au risque d’exécution : l’échec d’un retournement peut rejaillir sur l’ensemble des activités (même les plus saines !) du repreneur. Quattro, les normes IFRS se traduisent par des répercussions immédiates sur les comptes, sur le cours de Bourse, sur la cotation Sfac, etc. Voilà pourquoi Alandia Finance propose aux industriels de les accompagner, en majoritaire ou au minoritaire, dans des deals de retournement. Nous avons déjà travaillé en ce sens avec Colas et Altran, pour ne citer qu’eux.

C.F. : Avez-vous aussi un rôle de facilitateur à jouer auprès des acteurs publics ?
N. de G. : Alandia Industries entend se positionner comme un tiers de confiance. Et intervenir comme un banquier d’affaires du xixe
siècle, qui trouvait une solution et mobilisait son bilan pour financer celle-ci. Nous sommes en discussion régulière avec le Ciri et le ministère du Redressement productif, notamment. Notre modèle de holding ne subit, par nature, aucune pression en matière de rythme d’investissement ou de durée de détention. De toute façon, l’argent n’est pas la clé de la solution, dans le retournement. La créativité est beaucoup plus critique, et beaucoup plus rare. Dans la mesure où nous ne fonctionnons
pas sur un schéma de fonds de private equity, avec un mandat de gestion strict, nous disposons d’un large champ des possibles en matière stratégique : créer différentes holdings, racheter de la dette, etc. Le rôle de facilitateur prend
alors toute sa dimension.

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