Propos recueillis par Sophie Boutrelle, le 01 septembre 2017
Eco Savoie: Vous êtes l’un des associés d’Alandia Industries et, depuis le 31 mars 2016, PDG de Carbone Savoie. Quel est votre parcours ?
Sébastien Gauthier (SG): J’ai dirigé des entreprises industrielles et de services. Je suis également un associé d’Alandia Industries. Le fonds de retournement est spécialisé dans la reprise de sociétés française en difficulté, mais dont le savoir-faire est important et dont les équipes sont déterminées à réussir le redressement à nos côtés. Nous sommes basés en France, nos capitaux sont français. Notre spécificité est que l’associé recommandant la reprise d’une entreprise investisse personnellement d’avantage que les autres et s’attache ensuite lui-même à son redressement.
Eco Savoie: Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Carbone Savoie ?
SG: Outre ses 120 années de développement dans le carbone et le graphite, c’est une entreprise emblématique dont le sauvetage a fait l’objet d’une forte mobilisation des salariés, des élus et des pouvoirs publics. Par ailleurs, elle est positionnée sur un marché où les concurrents directs – japonais, anglais, polonais – sont clairement identifiés et sont rentables malgré des coûts de main-d’oeuvre équivalents aux nôtres. Cela signifie qu’il y a une place pour Carbone Savoie sur le marché mondial, à condition cependant de se remettre en cause.
Eco Savoie: Quelle est la stratégie de redressement mise en place ?
SG: Depuis deux ans, nous nous attachons à investir lourdement afin d’être aussi compétitifs que nos concurrents. Quand nous sommes arrivés, les salariés étaient déboussolés par un faible niveau d’activité – les capacités de production n’étaient utilisées qu’à 60 % – et un long conflit avec l’actionnaire précédent. Notre travail a consisté à expliquer que la pérennité d’une entreprise dépend directement de sa capacité à autofinancer ses investissements, donc de sa rentabilité et de sa compétitivité. Pour rattraper le retard accumulé, nous déployons un plan d’investissement de 30 millions d’euros sur 4 ans.
Eco Savoie: Quelles sont les priorités ?
SG: En 2016-2017, 16 millions d’euros ont été investis. La même somme est prévue pour 2018-2019. Nous avons rouvert et rempli des capacités de production qui avaient été mises sous cloche afin de mieux amortir les frais fixes. Nous automatisons
et recherchons avec le personnel des gains de productivité afin de faire baisser durablement les coûts de revient. La R&D figure également parmi nos priorités d’investissement : 26 personnes travaillent à temps plein dans notre laboratoire de Vénissieux. Nous y consacrons 2 % de notre chiffre d’affaires, car la pérennisation de notre société passe par la recherche
de nouveaux marchés, de nouveaux produits.
Eco Savoie: Quelles sont les activités que vous relancez ?
SG: Les graphites de spécialité. Ces produits étaient jusqu’en 2006 fabriqués sur le site de Notre-Dame-de-Briançon et représenteront cette année 5 % à 6 % de nos volumes. L’objectif est de se diversifier pour avoir des relais de croissance au-delà du marché de l’aluminium. Depuis sa création il y a 120 ans, l’entreprise a changé six fois de métier. Ma responsabilité est de la préparer à s’adapter aux évolutions du marché pour la rendre agile dans un contexte international particulièrement
incertain.
Eco Savoie: Comment se porte l’activité ?
SG: Baisser nos coûts de revient nous permet d’avoir des prix plus agressifs sans faire reculer nos marges et ainsi remplir nos capacités de production qui tournent désormais à pleine capacité. Nos carnets de commandes sont remplis jusqu’à fin 2018, nous devons continuer dans cette voie. Nous commençons à renouveler nos effectifs avec la mise en place d’une école de formation. Sept contrats de professionnalisation sont en cours de formation à Notre-Dame-de-Briançon, cinq à Vénissieux. Nous en lancerons probablement une deuxième en mai 2018. Des cadres viennent également renforcer nos équipes, notamment sur des fonctions techniques d’ingénierie, de maintenance…
Eco Savoie: Quel est le climat social au sein de l’entreprise ?
SG: Il faut toujours du temps pour créer la confiance entre une direction, les salariés et leurs représentants. Les quatre
représentants du personnel siègent au conseil de surveillance, ce qui garantit une transparence totale sur la gouvernance
de l’entreprise.
Eco Savoie: Vous avez également mis en place un mécanisme d’intéressement…
SG: Ce mécanisme permettra aux salariés d’améliorer significativement et progressivement leur pouvoir d’achat au fur et à mesure du redressement de l’entreprise. Par ailleurs, nous lancerons mi-décembre une procédure d’ouverture du capital au profit des salariés dans le cadre d’un fonds commun de placement de reprise (FCPR). Ce FCPER n’a été utilisé qu’une seule fois en France, avec la reprise de la Redoute. L’idée est de s’assurer que les salariés sont intéressés aux résultats de l’entreprise et aux efforts fournis, non seulement chaque année dans le cadre de l’intéressement et la participation, mais
aussi lorsqu’un jour Alandia Industries décidera de passer la main. En cas de revente, lorsque nos efforts auront porté leurs fruits, les salariés recevront une juste récompense. C’est un outil qui devrait à mon sens être davantage utilisé par les dirigeants car il constitue un puissant levier de motivation et d’alignement entre salariés et actionnaires.