Le Dauphiné libéré se fait écho du redressement de Carbone Savoie, mené par le fonds de retournement Alandia Industries, et des perspectives de développement du spécialiste du carbone et du graphite.

Article publié initialement le 20 mai 2018 par Jean-François CASANOVA.

 

Sébastien Gauthier, PDG et président du directoire de Carbone Savoie, et Bruno Gastinne, président du conseil de surveillance, ont le sourire. « Il y a de la fierté : grâce aux salariés, nous avons réussi ce que très peu pensait possible » avoue le second. « Le redressement est derrière, nous avons repris notre destin en main », poursuit le PDG.

 

Une stratégie payante 

En avril 2016, avec un nouvel actionnaire majoritaire (Alandia Industries, fonds d’investissement spécialisé dans les entreprises en difficulté), l’usine de Notre-Dame-de-Briançon écrivait une nouvelle page d’une histoire longue de 120 ans. Après avoir beaucoup souffert au 21ème siècle, la faute à une certaine désindustrialisation. Avec ses deux sites de Vénissieux et Notre-Dame-de-Briançon (350 salariés en CDI, dont 250 en Savoie, et une quarantaine d’intérimaires), la PME 100 % indépendante et aux capitaux français a complètement changé sa stratégie. Au point de redevenir compétitive.

« En travaillant avec toutes les parties prenantes (direction, représentants des salariés), nous avons mis en œuvre une politique qui s’appuie sur plusieurs leviers pour réinsuffler une dynamique positive : la compétitivité pour proposer des produits rentables, et se diversifier en trouvant de nouveaux marchés », 20 % de la production de graphite synthétique sont destinés à des applications où Carbone Savoie n’intervenait pas il y a deux ans. « Nous ne devons pas dépendre d’un seul marché, d’un seul client, d’un seul produit, d’un seul pays », résume Bruno Gastinne. « On a personnalisé les graphites en fonction des clients ». Au point d’augmenter la production de 20 % avec des produits de qualité et innovant, et des compétences reconnues.

Cette hausse de production est aussi due à un processus de modernisation de l’usine. « En avril 2016, l’actionnaire s’était engagé à 26 M€ d’investissements, il vient de le porter à 30 ». Preuve de la confiance en la stratégie mise en œuvre. « Une partie de ces investissements est consacrée à la protection de l’environnement : économie circulaire, réduction des déchets et des rebuts, meilleure réutilisation des rebuts, économie d’énergie ».

 

Place à l’actionnariat salarié

« Ce redressement est collectif. Sans l’engagement des salariés et de leurs représentants, la nécessité de modifier le modèle économique n’aurait pas été rendue possible. Nous n’aurions pas pu aboutir à ce résultat. On travaille vraiment les uns pour les autres », assure le PDG. Symboles de ce redressement collectif, le mécanisme d’intéressement est particulièrement attractif en 2018 et, plus original, l’actionnariat salarié a été instauré. « Nous avons souhaité associer les salariés au capital de l’entreprise, et 90 % ont décidé de souscrire. C’est une belle preuve de reconnaissance, de confiance en l’avenir et de cet engagement qu’ils ont vis-à-vis de l’entreprise.

 

Pas de revente à l’horizon

Désormais, Carbone Savoie entre dans une deuxième phase, enjeu des deux années à venir. « Se développer, faire grandir l’entreprise pour se mettre en capacité de résister au rebond du cycle économique qui viendra, on l’espère le plus tard possible », explique Bruno Gastinne. Ce développement passe par le recrutement d’un directeur général adjoint (en charge de l’aspect industriel) et augmenter la capacité de production de manière pérenne. « Avec un impact sur l’emploi, la sous-traitance ». L’entreprise a des projets. « 26 salariés et 2 millions d’euros sont dédiés à l’innovation et la recherche, pour développer les produits de demain. Nous sommes obligés à continuer à travailler avec un temps d’avance, à innover, à proposer des solutions aux clients ». Viendra alors la troisième phase, avec des investissements très lourds. « Il faudra alors réfléchir à quel est le meilleur actionnaire, mais ce n’est pas à l’ordre du jour pour les deux prochaines années, au moins. Nous avons d’abord la mission du développement », conclut Bruno Gastinne.

 

Une école de formation interne

Dans son souci de développement et de pérennité, Carbone Savoie a décidé de miser sur sa propre école de formation, en formant des contrats de professionnalisation. « Ce sont des jeunes au bagage scolaire parfois modeste ou pas en adéquation avec l’industrie. Pendant un an, ils vont travailler trois semaines et venir une semaine à l’école de Carbone Savoie », explique Sébastien Gauthier.

A l’issue de la première promotion, en avril dernier, 6 « étudiants » sur les 7 ont été confirmés, 4 en contrat à durée indéterminé et deux en CDD. Face à une telle réussite, une nouvelle promotion a été lancée en partenariat avec Pôle emploi, dont la méthode de recrutement par simulation a montré son efficacité. « Elle permet d’aller chercher des profils qui ne seraient pas obligatoirement sortis », souligne Bruno Gastinne.

« Nous recherchons des jeunes pour être opérateur de production chez nous. Notre pyramide des âges et le renouvellement des effectifs vont nécessiter de nombreux recrutements ces prochaines années », renchérit le PDG.

Signe de cette volonté de constituer à pérenniser l’entreprise, un budget annuel de 500 000 € est consacré à cette école de formation interne. L’Equipe directoriale l’assure : dans les prochains mois, Carbone Savoie va avoir besoin d’effectifs pour accompagner sa croissance.

 

Le Chiffre

30 000 tonnes de graphite synthétique ont été produites en 2017 (record de l’usine en 120 ans d’existence), contre 22 000 l’année précédente, qui en font le plus gros site français en la matière, face à des concurrents polonais, américains, anglais et japonais, et l’émergence de la concurrence chinoise. Pour un chiffre d’affaires de 93 M€ dont 95 % à l’exploitation.

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